
Il m'aura fallu un apprentissage avant de savoir que "l'art ne rend pas le visible, mais rend visible".
J'ai appelé cela survoir. Rencontrer la nature naturante, dans ses mouvements,
ses phénomènes, et trouver un univers d'une diversifiante unité.
Cette révélation, d'autres que moi l'ont partagée et d'autres sont passées devant mes toiles sans les voir !
L'art est-il à ce point lié à la subjectivité ou à l'intersubjectivité ?
Que d'interprétations devant un tableau, parfois contradictoires: oeuvre apaisante ...
angoissante... J'y trouve, quant à moi, une alliance, comme un effet d'amour -
au sens valéryen du terme.
Paul Valéry aimait à parler d'émotion, de sensations provoquant " l'état
chantant ". Il refusait, devant son idole: l'esthétique, toute conceptualisation.
Il constatait que l'on a envie de refaire sans cesse l'amour avec le tableau. Le tableau
crée le désir. C'est si vrai que l'on cherche à acquérir l'oeuvre que
l'on aime, l'amour impliquant la possession.
Mais, pour que cet effet, quasi miraculeux, se produise, il faut que l'oeuvre soit
"réussie" - un rêve réalisé - : la résolution des contraires
ou des tensions par la force de l'harmonie.
Le mot Beauté surgit alors: "Beauté parle ou chante, nous ne savons ce qu'elle dit,
nous la faisons répéter, nous l'écouterions indéfiniment." C'est le
chant des colonnes du temple d'Eupalinos. Et Valéry parle du caractère inéffable
de la Beauté, d'un sentiment qui peut aller jusqu'à nous arracher des larmes, des larmes
qui ne prennent pas "le chemin des glandes"... "Tu es devenu le spectateur de la
plénitude."
Mais l'expérience de l'art est un jeu très complexe, qui demande une immense recherche,
qui inclut spontanéïté, lutte avec la matière, maîtrise des couleurs,
connaissance d'imperceptibles modulations.
Tour à tour chaud, froid, fluide, durci, solide, libre, lié, l'artiste se divise pour Etre
et trouver un moi, agrandi. Panthéiste, il se fond avec l'eau, l'air, le feu; les
éléments sont les archétypes de sa psyché. Dans cette interdépendance,
l'unité est trouvée, fécondée. |